Critique musicale : The Megas – Get acoustic

Lors de ma der­nière cri­ti­que, sur l’excel­lente bande ori­gi­nale de Scott Pil­grim vs. the World, je com­pli­men­tais les thè­mes les plus dyna­mi­ques du jeu en émet­tant une com­pa­rai­son avec les thè­mes des meilleurs Mega Man. Il faut dire que s’il y a bien un point sur lequel la saga de Cap­com est tou­jours resté inat­ta­qua­ble, c’est bien sur le plan sonore…

L’inté­rêt des grou­pes de fans pour les musi­ques de Mega Man n’est plus à prou­ver : Mega Man 2, volet le plus popu­laire de la saga, est ainsi le jeu NES le plus remixé de la pla­te­forme OC ReMix ! Et si les arran­ge­ments techno ou rock sont légion, c’est avec un plai­sir non dis­si­mulé qu’on accueillera la ten­ta­tive du groupe The Megas de pro­duire quel­que chose d’assez dif­fé­rent sur l’album Get acous­tic.

Allume la hifi, papy

Pour démar­rer cette cri­ti­que sous les meilleu­res aus­pi­ces, une bonne nou­velle : bien que vendu par le groupe (10$ sur Band­camp), l’album est gra­tuit en strea­ming, et ce dans son inté­gra­lité. Vous allez donc pou­voir juger immé­dia­te­ment sur piè­ces de ses qua­li­tés pen­dant la lec­ture, si le cœur vous en dit 😉

La reprise de la reprise

Entrons dans le vif du sujet. The Megas est un groupe qui, comme son nom ne l’indi­que pas for­cé­ment, se spé­cia­lise dans les repri­ses de thè­mes de Mega Man. Leur pre­mier album, Get equip­ped, a per­mis de les faire con­naî­tre auprès d’un large public… tant et si bien que Cap­com, qui aime ses fans musi­cos, a fini par uti­li­ser ses mor­ceaux pour sono­ri­ser les dif­fé­rents trai­lers du jeu Mega Man Uni­verse (mal­heu­reu­se­ment, tout récem­ment annulé).

Get Acous­tic est en fait une relec­ture de Get Equip­ped, deux ans après. Si l’ori­gi­nal a une orien­ta­tion rock pure et dure, cette nou­velle ver­sion leur apporte une dimen­sion acous­ti­que tota­le­ment nou­velle, en s’appuyant sur quel­ques élé­ments sym­pho­ni­ques — dans un arran­ge­ment qui n’est pas sans évo­quer le célè­bre S&M de Metal­lica, voire Moment of Glory des Scor­pions.

Human after all

Le parti pris de cet album lui donne un aspect mélan­co­li­que iné­dit plu­tôt bien vu. Cha­que mor­ceau est inter­prété du point de vue d’un per­son­nage dif­fé­rent : ainsi, cha­que robot du Dr. Wily se retrouve à y aller de son pro­pre petit mono­lo­gue inté­rieur, sou­vent bourré d’inter­ro­ga­tions. Le mani­chéisme du jeu ini­tial est tota­le­ment ren­versé pour lais­ser place à des robots “humains” qui, l’un après l’autre, voient leurs frè­res mou­rir et dou­tent de leurs chan­ces face à Mega Man, ou dou­tent d’eux-mêmes…

« My cir­cuits slow

I’m not sca­red any­more

I join the ranks of my bro­thers that have fal­len before »

— The Quick and the Blue / Qui­ck­man

« What Mega­man and my bro­thers don’t know

Is this flash is all for show

‘Cause inside

There’s nothing there and there’s nothing to me

I’m empty and I’m hol­low! »

— Blue Like You / Flash­man

Mega Man n’est pas en reste : s’il ouvre l’album dans une chan­son déter­mi­née, « I want to be the One », il le con­clut éga­le­ment par « Lamen­ta­tions of a War Machine », très belle reprise du thème des cré­dits de Mega Man 2. Le groupe se per­met de faire dou­ter le Blue Bom­ber, se deman­der s’il avait rai­son et s’il est devenu une machine à tuer, avec une voix-off fai­sant écho à la séquence de fin du jeu ori­gi­nal dans laquelle on voit Mega Man mar­cher puis poser son cas­que.

« If I’ve a heart made of steel

Then does that mean I can­not feel? »

« “Is this what you were made to do?”

He remo­ved his hel­met, drop­ped it into the soft grass.

Would this quest ever end? »

— Lamen­ta­tions of a War Machine / End Song

L’aspect très “scé­na­risé” est ren­forcé par un choix chro­no­lo­gi­que inté­res­sant : l’album s’ouvre en effet avec le thème du châ­teau de Dr. Wily, c’est-à-dire à la fin du jeu. Mega Man a déjà tué les 8 robots et s’apprête à affron­ter Dr. Wily… à la manière de cer­tai­nes piè­ces tra­gi­ques, on nous annonce donc clai­re­ment que les robots sont déjà détruits, ce qui ren­force d’autant plus l’impact des chan­sons qu’on enten­dra par la suite. Cha­que mor­ceau se pré­sente alors comme un fla­sh­back

Accord par­fait

Musi­ca­le­ment, sou­li­gnons que faute de bud­get, les élé­ments sym­pho­ni­ques appor­tés à l’ensem­ble sont pure­ment syn­thé­ti­ques. C’est un des prin­ci­paux défauts de l’album : on entend un peu trop l’aspect arti­fi­ciel de cette ins­tru­men­ta­li­sa­tion dans cer­tains pas­sa­ges, ce qui est dom­mage… mais pas rédhi­bi­toire, la pro­duc­tion étant suf­fi­sam­ment pro­pre et soi­gnée pour que ce ne soit pas vrai­ment un pro­blème.

Le groupe a de toute évi­dence fait de gros pro­grès depuis Get Equip­ped, en ter­mes de mixage mais sur­tout de chant : l’har­mo­nie entre les voix des deux chan­teurs est extrê­me­ment juste et jus­ti­fie en grande par­tie la réa­li­sa­tion de cet album acous­ti­que (on se réfé­rera en par­ti­cu­lier à The Anni­hi­la­tion of Mons­te­ro­po­lis, Man on Fire…). Les con­nais­seurs de la NES appré­cie­ront l’excel­lente retrans­crip­tion des deux pis­tes sono­res lead que le jeu ori­gi­nal exploi­tait à mer­veille 😉

Quand aux gui­ta­res, elles arbo­rent des cou­leurs musi­ca­les suf­fi­sam­ment variées pour ne pas las­ser d’un mor­ceau à l’autre… ryth­mes mélan­co­li­ques ou plus entê­tants, solos acous­ti­ques, ou sim­ples accom­pa­gne­ments basés sur quel­ques accords : l’effort déployé pour faire de Get Acous­tic un album à part entière plu­tôt qu’une sim­ple reprise, dans l’ombre de Get Equip­ped, est per­cep­ti­ble.

Tout n’est pas génial, cer­tes, et quel­ques mor­ceaux sont plu­tôt fai­blards (The Mes­sage From Dr. Light, Pro­mise of Redemp­tion) ; mais l’ensem­ble reste extrê­me­ment cohé­rent et ori­gi­nal. Réar­ran­ger avec suc­cès des musi­ques aussi cul­tes avec des vocals est une gageure, mais The Megas y par­vient sans peine. D’une manière géné­rale, on saluera la qua­lité d’écri­ture des paro­les (qui évi­tent avec brio de ren­trer dans le seg­ment “humo­ris­ti­que”, déjà sur­chargé dans ce sec­teur) et l’excel­lente fini­tion de l’album, doté d’une prod’ irré­pro­cha­ble…

Cela vaut-il les 10$ récla­més pour autant ? Dif­fi­cile à dire… tout dépen­dra de votre degré d’addic­tion aux mor­ceaux NES d’ori­gine, de votre tolé­rance au genre acous­ti­que et de vos atten­tes. It’s up to you. L’album étant dis­po­ni­ble gra­tui­te­ment en strea­ming, vous n’avez en revan­che aucune excuse pour ne pas l’écou­ter au moins une fois !

Anne Ferret

J'ai créé Café Gaming lors d'un moment d'égarement, il y a bien trop longtemps. J’aime SEGA, Tetsuya Mizuguchi et Rock Band ; je fais de la musique sous le pseudonyme Lucifer Cedex.

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