Éditeurs VS distributeurs : le choix dans la date

Vous l’avez observé dernièrement, les jeux censés sortir à une date précise sont lâchés bien avant en magasin. Le dernier exemple en date est bien sûr le très attendu Call of Duty : Modern Warfare 3. Annoncé pour le 8 novembre, il est déjà disponible à l’heure où j’écris ces lignes, c’est-à-dire depuis le vendredi 4 novembre (et je ne parle même pas des boutiques de jeux vidéo sur le boulevard Voltaire à Paris qui l’ont depuis fin octobre). D’où peut provenir un tel bordel ? Je ménage le suspense………………..

Pour rien.

Une guerre sans merci entre géants de la grande distribution et magasins spécialisés cause tous ces désagréments et les joueurs, que nous sommes tous finalement, ont même droit à des menaces hilarantes (on va y revenir) parce que la situation n’est plus sous le contrôle du duo Activision/Microsoft… Marrant.

Habituellement, on avait l’habitude de voir les dates de sortie de jeux violées par les boutiques parisiennes du boulevard Voltaire qui sont indépendantes de toute grande chaîne de distribution (ouais ouais, batterie dans une DualShock 3 ? Y en a pas, c’est du bluetooth intégré ouais ouais). Ces boutiques passent par l’étranger, en dehors du contrôle des éditeurs, et même de temps en temps c’est la branche étrangère du même éditeur, qui parasite le marché français (tout en sachant ou pas).

Penchons-nous rapidement sur les dates de sortie choisies par les éditeurs, en France plus particulièrement. Rituellement, elles ont lieu le jeudi et dans la plupart des cas le vendredi. On verra rarement un jeu sortir un mercredi, synonyme du « jour des enfants », et encore plus rarement un mardi. Les sorties ne se feront jamais un lundi ou un samedi pour des raisons évidentes de logistique. Les entrepôts centraux des chaînes sont livrés en début de semaine, soit lundi, et ils re-dispatchent les produits dans le courant de la semaine. Sortir un jeu un samedi est synonyme de capharnaüm dans les magasins étant donné que les clients sont plus nombreux le weekend. Si vous me suivez jusque là, vous comprendrez que le très mauvais choix du 8 novembre qui tombe un mardi, à la place du 11/11/11 initialement prévu (qui tombe un vendredi), nous amène à cette situation actuelle.

C’est simple, les grandes chaînes ayant été livrées au début de la semaine précédente n’ont pas voulu rater un week-end de distribution d’un important titre — si ce n’est LE titre — que les joueurs achèteront les yeux fermés. Suite à ça, les autres chaînes de magasins spécialisés ont suivi le mouvement pour éviter toute concurrence déloyale… même si, là encore, les prix pratiqués ne sont pas du tout les mêmes. Auchan/Carrefour/Leclerc (parmi les grands magasins que j’ai pu faire samedi) vendent le jeu à 55€ tandis que les Game/Micromania/Fnac les vendent à 70€. Game et Micromania offrent quand même un T-Shirt à l’effigie du jeu mais vaut-il 15€ ? Je ne pense pas.

Et Activision dans tout ça ? Même si ça fait buzzer — c’est peut-être volontaire, je n’en sais rien — ça m’étonnerait que l’éditeur soit totalement d’accord avec ces pratiques. Comme expliqué précédemment, les éditeurs imposent des dates de sortie mais ils ne sont pas la loi et c’est là que ça part en vrille. Tout le monde est libre de respecter leurs directives… ou non. La plupart du temps, c’est respecté, sauf quand l’enjeu économique est beaucoup trop important : c’est le cas pour le lancement d’un titre AAA majeur comme ce MW3. Pour s’imposer, les éditeurs foutent la pression aux distributeurs. Au niveau logistique tout d’abord, ils peuvent menacer de retarder les livraisons, voire pire, de les couper. Mais ça peut aller beaucoup plus loin au niveau économique avec des remises de fin d’années non effectuées, de quoi plomber la marge d’un distributeur et donc son chiche. D’autres moyens de pression peuvent être mis en œuvre mais ceux-là sont particulièrement efficaces. Horrible pour le distributeur, non ? Bah… pas tant que ça car, malheureusement, le distributeur détient le pouvoir.

Mettons-nous à la place d’un éditeur qui veut punir un distributeur parce qu’il ne respecte pas les dates de sortie. Le distributeur, se sentant menacé, peut immédiatement refuser de vendre les produits de l’éditeur et répercuter cette décision sur toute la chaîne — au niveau national donc. Les pertes pour l’éditeur seraient tellement importantes qu’il ne se risquerait jamais à mettre ses menaces à exécution. Vous l’aurez donc compris, le distributeur fait ce qu’il veut.

Par contre, ces menaces restent tangibles et réalistes sur deux chaînes de magasin : GAME et Micromania. Ces deux chaînes sont obligées de respecter les Day-One, sauf en cas de dérapage concurrent ; exactement ce qu’il s’est passé pour MW3.

Là où ça devient rageant, c’est quand Activision et Microsoft se mettent à brandir d’éventuels bannissements de comptes Xbox Live pour les acheteurs précoces sous prétexte qu’il faut attendre la date de sortie officielle pour jouer en ligne. Sur Twitter, on a pu voir des messages de Stephen Toulouse, responsable de la sécurité du Xbox LIVE : « Si jamais vous avez une copie légale de Modern Warfare 3 plus tôt que prévu et quelle qu’en soit la raison, surtout ne jouez pas avec avant la date prévue. Nous vous aurons prévenus. Jouer à MW3 avant sa date de sortie officielle n’est pas autorisé par Activision. Donc, s’il vous plaît, soyez patients. Jouer trop tôt pourrait affecter votre compte. »

Mais à qui profite le crime, sérieusement ? Je n’ai rien contre les constructeurs et les éditeurs, mais sanctionner les joueurs qui vous donnent leurs sous est une idée vraiment trop conne. Retournez-vous plutôt contre les distributeurs et… non, vous ne pouvez rien faire. Donc, arrêtez de remuer du vent et frottez-vous plutôt les mains de voir les joueurs se jeter en nombre sur votre dernier hit au lieu de jouer les pleureuses.

Petite ouverture pour la fin : si l’éditeur veut limiter les dérapages anté-day-one (l’expression de ouf malade, je vous l’accorde), à lui de trouver des idées pour récompenser les clients qui jouent le jeu. À l’heure actuelle où tous les jeux possèdent leur DLC, pourquoi ne pas proposer un DLC unique, GRATUIT, et vraiment sympa pour ceux qui jouent au jeu à la sortie uniquement ? Le non-respect empêcherait définitivement d’avoir ce contenu exclusif sur le compte et la console associée. C’est juste un exemple parmi tant d’autres, je pense que les têtes pensantes doivent avoir des idées encore plus tordues. Et comme l’adore Yoann, le marché du jeu vidéo tend vers la dématérialisation — essayez de violer un day-one en démat’… Mes respects éternels.

Remerciements à J. pour les précisions.

Kendo

#1jour1baston je déchire toute forme de vie à Saturn Bomberman. Team rétro, MO5.COM.

10 thoughts to “Éditeurs VS distributeurs : le choix dans la date”

  1. J’avais un post sur ça en cours , ça m’énerve personnellement , une date de lancement c’est ultra stylée, ce qui se faisait en douce à répu pour les avertis se fait partout mnt, les gens sont blasés et l’effet waw n’est pas présent … effet qui vends le jeu en partie, merde je parle comme si c’était ma tune ! #fuck #takemymoneyandgivemethatshit

  2. Mais au fond quel est le vrai problème d’un jeu sorti en avance ? Après tout ça fait autant de ventes pour l’éditeur que si il sortait le bon jour ?

    J’ai un peu de mal à voir en quoi ça peut vraiment gêner, d’un point de vue économique. Parce qu’au final ça reste la même tambouille, non ?

  3. C’est vrai que j’entend de plus en plus parler de ces magasins qui se livrent la gue-guerre de : « qui-qui-va-vendre-le-jeu-du-moment-en-premier ». Il doit y avoir un enjeu financier non négligeable pour les magasins, je pense.
    À la limite, vendre un jeu en avance pourrait permettre de profiter de ses contenus additionnels ou autre (Exemple : Le coffret collector de Starcraft II, sortie 1 semaine avant la date annoncée et qui permettait de regarder les DVDs bonus pour patienter)
    Par contre, si le fait de lancer *son jeu* avant la date de lancement tout en se faisant bannir des plateforme online, c’est vrai que ça sent le sapin. Surtout qu’ils ont juste à bloquer l’accès jusqu’à la date officielle au lieu d’énerver les foules… Enfin bref.

  4. « essayez de violer un day-one en démat’… Mes respects éternels »
    Fait avec Battlefield 3, c’était pas si dur.

    Non sinon je suis globalement d’accord avec ton artist.

  5. C’est impossible de gérer une livraison le jour J tout les magasins ne pourraient pas êtres livres en même temps …

  6. Praska : j’attends de voir ton analyse. Je suis d’accord avec ton commentaire sinon, la course aux spoils fleurit, les mecs qui te soulent de messages pour dire qu’ils ont fini le jeu etc… Perso je l’ai jamais fait et pourtant je peux à l’aise…

    Amo : tout dépend de quel côté tu te places. Si un éditeur place une date ce n’est pas pour rien ; énormément de détails jouent, la proximité + ou – proche d’un autre jeu concurrent ou autre titre AAA ; la date par rapport au calendrier des finances (genre sortir un MW3 un 22 du mois ? Les gens n’ont plus d’argent, c’est soit en fin de mois soit en début, pas d’autres choix possibles) etc…
    Après, si le jeu sort avant à République, oui c’est du manque à gagner pour l’éditeur parce que les boutiques de Voltaire font leurs courses en dehors des sentiers français.

    Eldroth : comme l’a dit Lecloclo, c’est impossible pour les raisons évoquées dans le billet. Open your eyes :).

    1. Ceci dit pour GTA IV (j’y tiens à cet exemple), je crois bien me souvenir qu’ils avaient fait exprès de livrer les magasins – grande surfaces ou Micro/Game etc- le matin même, puisque sur les forums certains s’interrogeaient sur les horaires de livraisons.
      Mais d’un autre côté, il avait été présenté au Grand Journal avant je crois…

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